Un maquis colonial

Des soldats des colonies

Au moment de l’Armistice, si bon nombre de soldats démobilisés ont pu rejoindre leur domicile, cela n’a pas été le cas pour les hommes du rang des Troupes coloniales engagées sur le territoire métropolitain. Aussi, la direction des Troupes coloniales a-t-elle décidé de regrouper tous ces Indigènes à Fréjus, « capitale » traditionnelle de cette Arme et point de passage de tout militaire en partance pour les colonies. Ainsi furent créés les Centres de Transition des Troupes Coloniales (CTTC) pour gérer ces militaires. Ces structures fonctionnèrent avec un encadrement militaire jusqu’en 1942.

« Les Groupements Militaires d’Indigènes Coloniaux Rapatriables ont été créés pour regrouper les tirailleurs coloniaux, administrés précédemment par les deux Centres de Transition des Troupes Coloniales (CTTC), qui avaient cessé d’exister en novembre 1942. Les deux premières formations furent créées au début de février 1943.
En 1943, les GMICR comptaient 72 compagnies encadrées par 161 officiers et 325 sous-officiers d’Infanterie Coloniale et par 59 officiers et 88 sous-officiers d’Artillerie Coloniale.
L’administration était assurée par des personnels civils des troupes coloniales s’élevant à 57 cadres supérieurs et à 51 cadres subalternes. 52 médecins y exerçaient également. Les effectifs globaux en hommes du rang se montaient à :

  • 1757 Africains,
  • 6105 Indochinois,
  • 8016 Malgaches.

Les compagnies travaillaient pour des employeurs civils ou participaient à des tâches d’utilité publique (routes, travaux forestiers, etc.) mais elles étaient aussi obligées d’œuvrer, bien contre leur gré, au profit de la Wehrmacht, près des côtes de la Méditerranée, dans les chantiers de l’Organisation Todt.
En fait, les occupants les considéraient le plus souvent comme des prisonniers de guerre. La situation des GMICR ne leur permettait pas une résistance active, mais beaucoup de cadres et tirailleurs entrèrent en contact avec les maquis locaux.
Aussi, dès que les conditions devinrent favorables (débarquements alliés, entre autres), de nombreux Sénégalais, Indochinois et Malgaches rejoignirent les FFI ».
(Ministère de la défense – Secrétariat d’état aux anciens combattants, L’empire dans la guerre 1939-1945, Paris, 1998, p. 60).

Les chiffres sont impressionnants pour une armée qui ne devait plus exister…
Autre fait marquant : si l’administration militaire écrit ci-dessus que les premières unités de GMICR furent créées en février 1943, la même administration militaire écrit dans le livret matricule du capitaine André Lanvin-Lespiau que celui-ci prit le commandement de la 14èmecompagnie indochinoise du GMICR n°1 le 22 décembre 1942.
Sans rentrer dans des disputes historiques qui n’auraient finalement d’issue fiable que par l’exhibition de documents historiques, cette différente de date ne fait que confirmer deux faits :

  • Les GMICR n’ont pris la relève des CTTC que par une simple pirouette administrative au nez et à la barbe des Allemands;
  • Pour que la bascule se fasse aussi rapidement entre les deux structures, il a bien fallu que les CTTC dont les cadres – comme le capitaine André Lanvin-Lespiau – appartenaient quasiment tous à l’Armée secrète (A.S.), eussent gardé à la fois une organisation et un objectif militaires.
indochinois

Des éléments de la 14ème compagnie des GMICR à Jarrie pendant l’été 1943

Ainsi, le 4 février 1943, le capitaine André Lespiau a reçu l’ordre de partir à Jarrie avec sa compagnie pour mettre ses 130 Indochinois à la disposition des usines de la vallée de la Romanche qui ne tournaient plus à plein régime. Sa troupe arrivait ainsi en supplément de la 13ème compagnie du même GMICR déjà installée à Pont-de-Claix.

A peine débarqué le 6 février 1943, le capitaine André Lespiau – Lanvin dans l’A.S. depuis 1940 – a été contacté par le commandant Albert de Seguin de Reyniès – Sylvain, chef militaire départemental de l’Isère – qui lui confia le commandement du sous-secteur de la Basse-Romanche (Pont-de-Claix – Jarrie – Vizille – Rioupéroux).

Derrière son chef, la 14ème compagnie du groupement militaire d’indigènes coloniaux rapatriables n° 1 rentrait dans la clandestinité.

La symbolique des Troupes coloniales

L’ancre
Les Troupes coloniales qui doivent leur appellation à leur appartenance à la marine avaient alors pour vocation d’embarquer sur les bâtiments puis de sécuriser les ports et les navires qui s’y rendaient. Quand les terres ainsi conquises devenaient colonies françaises, alors ces troupes y stationnaient et devinrent les troupes coloniales. Par tradition, elles ont conservé comme emblème l’ancre de marine.
Le capitaine André Lanvin-Lespiau était très fier de son appartenance aux Troupes coloniales et avait choisi cette ancre présente sur tous les insignes, drapeaux et fanions du maquis de l’Oisans.

Le calot
Le calot bleu marine des Troupes coloniales est devenu avec le temps la coiffure du maquis que les anciens arborent encore de nos jours avec beaucoup de fierté lors des cérémonies.

Le style des Troupes coloniales
Liberté provisoire rappelle en sus du style de commandement du capitaine André Lanvin-Lespiau personnel et bien dans le style colonial, plus d’un événement témoignant de l’importance du mode de vie des Troupes coloniales dans le maquis de l’Oisans :

  • le chant du Maquis (annexe 66),
  • le menu du 1er janvier 1944 (annexe 76),
  • l’hymne de l’infanterie de marine chantée lors du banquet du 14 juillet 1944,
  • le dîner du 4 août 1944 quand fut scandé le cri de ralliement des Troupes coloniales, « au nom de Dieu, vive la coloniale! » (p.160),
  • etc.